Les fabricants de baskets nous livrent 5 leçons de marketing

Eva Maria Schmidt
mai 31, 2021

Dans le monde entier, les Air Jordan, les Converse Chuck Taylor et autres « Yeezy » de Kanye West s’arrachent comme des petits pains. Les chaussures de sport forment un marché en pleine expansion qui pèse annuellement 55 milliards de dollars (SportsOneSource). Sur ce marché, les baskets ne sont pas des produits, mais des icônes culturelles surchargées de style et de sens. En cette époque où de nombreux secteurs ont été pris à contre-pied par la transformation digitale, le « sneaker game » s’engouffre à toute allure dans le futur hyperconnecté.

Les sorties de baskets en édition limitée, qui étaient auparavant des événements strictement analogiques – des centaines de « sneakerheads » faisant la file devant de célèbres magasins spécialisés comme Supreme ou CNCPTS –, s’organisent de plus en plus souvent en ligne, où les modèles les plus demandés s’écoulent en quelques minutes.

À ce petit jeu, les amateurs de baskets sont bien davantage que des consommateurs passifs, ils s’érigent en missionnaires d’une marque, entonnant à pleine voix le gospel des « nouvelles sneakers». Des influenceurs élitistes comme @glasgowrob@runnerwally ou @uglymely génèrent plusieurs milliers d’impressions chaque fois qu’ils publient une image sur Instagram.

Et le filon n’est pas prêt de se tarir : le business des baskets enregistre une croissance phénoménale – de plus de 40 % depuis 2004 – mais il a aussi placé la barre bien plus haut dans le domaine de la narration digitale. Voici 5 enseignements des fabricants de baskets que doit connaître tout spécialiste du marketing digital soucieux de passer à la vitesse supérieure en matière d’engagement :

1.     Connaissez vos clients

Les marques de chaussures marchent au même pas que leurs clients. Des applications iOS et Android consacrées aux baskets – en particulier SNKRS de Nikeadidas Confirmed ou Launch Reservation de Foot Locker – font des propositions intéressantes : les clients communiquent diverses informations personnelles (pointure, préférences stylistiques, etc.) et reçoivent en échange la priorité sur les derniers modèles de baskets, qu’ils peuvent acheter directement sur l’application. Leurs utilisateurs peuvent même choisir les sneakers qui seront mises sur le marché : pour célébrer le 30e anniversaire de l’Air Max, Nike a demandé à ses fans d’élire leurs modèles « rétro » préférés, relancés pour l’Air Max Day, le 26 mars 2017.

Partez du bon pied : compilez les données fournies par les applications, les réseaux sociaux, le site internet et le commerce en ligne dans des profils unifiés des consommateurs, à la base de messages personnalisés envoyés sur des canaux privilégiés.

2. Poussez à la bonne décision grâce à des histoires attrayantes

Lorsque les fans se demandent s’ils vont acheter ou non une nouvelle paire de baskets, une belle toile de fond peut donner le petit coup de pouce final qui mène à la conversion. Les marques construisent des récits à propos de leur riche héritage, voyez la campagne en cours sur le modèle Chuck Taylor All-Star de Converse. Elles tissent des histoires pleines d’imagination, par exemple sur la chaussure New Balance x CNCPTS en hommage à John F. Kennedy sortie en 2011. Elles rééditent des collections classiques, entre autres les adidas EQT, ou innovent en intégrant des technologies de haut niveau, comme le modèle autolaçant HyperAdapt 1.0 de Nike vendu 720 dollars à sa sortie, contre 3528 dollars aujourd’hui. Ces histoires sont amplifiées par des organes de presse spécifiques (@sneakersmag, etc.), les consommateurs et les influenceurs apportant encore de l’eau à ce moulin bien huilé.

Partez du bon pied : la narration, c’est bien, mais n’oubliez pas que les produits doivent aussi « tenir la route ».

 

3. Utilisez la rareté pour créer de la valeur

Le secteur de la basket cultive la rareté et il arrive souvent que des centaines de clients potentiels fassent la queue pour des sneakers en édition limitée. Une fois que toutes les paires disponibles ont trouvé preneur, certains modèles se transforment en véritable « Graal » sur le marché de la revente, estimé à 1 milliard de dollars (Complex). Parmi les plus grands succès, citons une paire de Converse Pro Leathers portées par Michael Jordan durant ses années d’école qui ont récemment rapporté 33.387 dollars sur eBay ou encore des Nike Air Mag de Retour vers le futur II qui ont atteint 200.000 dollars dans une vente aux enchères au bénéfice d’une œuvre caritative. Mais dans ce secteur, la valeur ne se réduit pas à une devinette : la plate-forme StockX a utilisé des algorithmes complexes et des données sur des ventes dans le monde réel pour suivre la valeur de revente de modèles convoités, mais aussi pour faciliter les enchères.

Partez du bon pied : la rareté n’est qu’une donnée de l’équation. La collection Yeezy d’adidas constitue un véritable cas d’école du cocktail magique entre offre, demande et narration.

4. Favorisez les synergies

Soucieux d’additionner les forces en présence, les fabricants de baskets s’adjoignent souvent les services de designers, d’artistes et de magasins de baskets à la mode dans le cadre de collaborations destinées à concevoir des produits (« collabs »). Lorsque Riccardo TisciKendrick Lamar ou KITH apposent leur patte stylistique sur des modèles en édition limitée, il en résulte des histoires attrayantes, amplifiées par la couverture cumulée des réseaux de toutes les parties impliquées dans la démarche. Ce qui peut réellement faire exploser les ventes : lorsque Kanye West a chaussé la première paire de Yeezy Boost 350 d’adidas portant sa signature lors de plusieurs concerts qu’il a donnés au printemps 2015, ce modèle est instantanément devenu un collector et le chiffre d’affaires d’adidas en Amérique du Nord a bondi de 30 % cette année-là.

Partez du bon pied : assurez-vous que vos collaborateurs sont sur la même longueur d’onde en matière de style. Si le modèle ne va pas, personne ne trouvera chaussure à son pied.

5Laissez vos fans parler pour vous

À l’instar de Nike, qui compte près de 28 millions de fans sur Facebook, les grandes marques de baskets possèdent une empreinte sociale forte. Pour renforcer son impact, rien ne vaut le bouche-à-oreille de fans authentiques qui téléchargent leurs #onfeet images sur les réseaux sociaux. À tel point que les marques avisées lancent leur campagne en avant-première avec des hashtags prêts-à-partager comme #adidasNMD ou #ZOKUrunner. Elles suivent d’un œil attentif les conversations sur les réseaux sociaux et sont à l’écoute de leurs fans. La marque scandinave Hummel a même invité le blogger Seveninch à créer une basket « collab ». Les « sneakerheads » les plus connus convertissent leur statut de créateur de tendances en business lucratif : selon Yahoo Tech, des influenceurs possédant plus de 1 million de followers récoltent jusqu’à 50.000 dollars pour chaque post approuvé par une marque, plus des chaussures gratuites, évidemment.

Partez du bon pied : l’« influence » n’est pas qu’une question de chiffres, la qualité doit primer sur la quantité. Il est très facile d’acheter des followers et jusqu’à 8 % des comptes Instagram sont détenus par des robots (Business Insider). En fin de compte, il s’agit avant tout de rester « réel », dans le marketing comme dans le « sneaker game ».

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